La propulsion et les déplacements dans l’espace
(art by : Alexey Pyatov, aka KaranaK, concept Artist, Irkutsk, Russia )
Bon, si vous n’aimez pas un peu de technique, ne lisez pas ! Néanmoins, ici, on cause surtout de vulgarisation et on brosse surtout les technologies employées pour les voyages spatiaux. Donc rien de bien compliqué ou prise de tête !
On abordera à part le sujet du déplacement hyperluminique plus tard, ce dernier étant relativement complexe, entre la technologie du Seuil et celle des systèmes de saut par distorsion. Ici, on va surtout s’intéresser à la manière de s’arracher au sol de notre bonne vieille planète (ou de n’importe laquelle d’autre dotée d’une atmosphère) et de la propulsion des moteurs de voyage spatiale et interplanétaire.
Et, sans surprise, pratiquement tout ce qui se fait en terme de propulsion n’est que le prolongement et la mise en application efficace de technologies et procédés imaginés dès la fin du 20ème siècle. Sur le papier, pratiquement tout avait déjà été inventé, et beaucoup d’innovations testés à petite échelle. Mais toutes avaient le même défaut : elles ne fonctionnaient pas sans une source d’énergie efficace, puissante et de faible volume. L’arrivée de la pile Shipstone, réunissant toutes ces qualités, a alors tout changé.
1- Quitter le sol
Si vous voulez quitter le sol pour échapper à la gravité d’une planète, la meilleure solution dans un monde à atmosphère, la plus élémentaire, c’est la propulsion par moteur-fusée. Sur un monde sans atmosphère, il y a d’autres solutions possibles, mais s’il y a une atmosphère, celle-ci est à la fois un avantage et un obstacle. Rassurez-vous, on va expliquer cela très simplement ci-dessous.
1-1 Un peu d’histoire
Dès la moitié du 20ème siècle, la technique la plus efficace, la seule disponible avec les moyens techniques et énergétiques disponibles, c’est la fusée. On bourre un objet de substances hautement explosives dont on contrôle la réaction du mieux possible, on allume et on décolle sous la poussée. Pour s’arracher à la gravité terrestre, il faut atteindre une vitesse de libération de 11,2 km/seconde. Même pour simplement satelliser quelque chose autour de la Terre, il faut monter à 7,9 km/seconde. Ce qui implique des carburants très puissants, donc très explosifs, et en quantité astronomique. Au début du 21ème siècle, envoyer un kilo en orbite coûtait environ 20 000 à 25 000$.
Bien sûr, ce système pouvait être amélioré, en théorie. Un moteur-fusée à propulsion nucléaire assurait de pouvoir fournir une poussée des gaz bien supérieur à une réaction chimique. Mais cela voulait dire qu’on rajoutait au danger de tout moteur-fusée à carburant explosif des risques d’accidents nucléaire. Personne n’a envie de voir son pas de tir, ou son espace aérien, rempli d’isotopes radioactifs en cas de pépin. L’idée, viable au premier abord, ne fut jamais exploitée. Le moteur nucléaire a bien plus d’intérêt pour la propulsion dans le vide de l’espace, même en considérant son autre défaut : sa masse minimale, qui est forcément très élevée pour fonctionner.
Restait enfin la méthode de la catapulte magnétique : vous faites un long rail au sol avec une pente progressive à 90°, et vous vous servez de l’électromagnétisme pour assurer la majorité de la poussée, avec un besoin très réduit de carburant. Mais cette technique est bourrée de défauts, les principaux étant son coût astronomique (la structure a littéralement la taille d’une montagne et exige un entretien onéreux) et ses exigences en énergie (en gros, il vous faut l’équivalent d’une centrale nucléaire pour une grande ville).
1-2 Quitter le sol au 23ème siècle
La technique du 23ème siècle, grâce à la résolution du problème de l’énergie par les piles Shipstone, emploie trois solutions combinées, dont deux sont originales. La propulsion à réaction, la propulsion et le bouclier MHD-Air et, enfin, l’antimasse.
Le premier est simple : les moteurs-fusée sont des moteurs à réaction hybrides et réutilisables fournissant la poussée qui assure le déplacement du véhicule. Dans la plupart des cas, ce sont des turboréacteurs hybrides brûlant du carburant, équipés de pontages MHD améliorant grandement la poussée et diminuant les besoins en carburant chimique.
La propulsion MHD-Air est plus compliquée, il s’agit d’un système combinant champ électrique et champ magnétique pour créer un écoulement de l’atmosphère autour du véhicule, sous forme de plasma. Le vide crée à l’avant du véhicule attire ce dernier, assurant une seconde forme de propulsion qui a la caractéristique très intéressante de créer un bouclier contre le frottement atmosphérique. Employé seule, la propulsion MHD-Air est un gouffre énergétique, c’est la raison pour laquelle elle est combinée à des réacteurs et moteurs-fusée dotés de pontages MHD.
Le bouclier MHD provient directement des bases de l’écoulement des gazs atmosphériques autour du véhicule par l’effet MHD-Air. Ceux-ci ne viennent pas frotter contre la surface du véhicule mais s’écoulent librement autour. Le véhicule échappe donc en grande partie à la pression physique de l’atmosphère, aussi bien pour la sortie de l’atmosphère que pendant la procédure de rentrée, ce qui réduit aussi bien les coûts en carburant et propulsion, que les risques de friction et de haute température.
Enfin, il reste l’antimasse. L’effet Shakton-Ishiro (la théorie de l’énergie sombre), improprement renommé effet antimasse, est une modification locale du champ de gravité, qui permets tout simplement de compenser la masse de tout véhicule équipé. Cela ne crée aucune propulsion et l’antimasse ne crée pas de gravité, elle modifie seulement la gravité locale. Très gourmande en énergie et instable à de trop hautes puissances, l’antimasse ne peut pas réduire un véhicule à un poids nul ou négligeable. Mais elle suffit à diviser le poids total des engins équipés par quatre ou cinq durant le vol, ce qui est particulièrement avantageux en terme de consommation d’énergie et de carburant.
1-3 Les transorbitaux
Et donc, cela donne quoi ? Alors, non, on ne sait pas faire de navette transorbitale de la taille d’une voiture. Les véhicules capables de s’arracher à la gravité terrestre restent encore massifs et se comptent en centaines de tonnes. Les modèles les plus performants d’intercepteurs transorbitaux alignent environ 75 tonnes. Sur ce tonnage, entre 25% et 50% sont occupés par la propulsion, les piles Shipstone et le carburant. Mais si le carburant représente encore un risque, on n’y trouve pas un poil de matériau nucléaire et, en cas de pépin, les véhicules transorbitaux peuvent larguer leur réserve de carburant et atterrir en urgence en exploitant leur aérodynamisme et la propulsion MHD-Air.
Autre avantage, l’antimasse compense aussi l’accélération cinétique et donc les G que subissent les passagers et l’équipage. Cela ne rends cependant pas le voyage du sol à l’orbite confortable, mais l’accélération se limite à 2,5 G dans les cas d’une mise en orbite rapide. Aller dans l’espace implique désormais beaucoup moins de contraintes sur le matériel, les charges utiles et les hommes qui voyagent. L’aérodynamisme est lui aussi moins problématique et peut imposer moins de contraintes drastiques. Ça ne permet tout de même pas de faire des formes trop exotiques, mais les problèmes de trainée aérodynamiques sont nettement moindres.
Dernier point, le gain en coûts économiques. Envoyer un kilo de fret en orbite depuis le sol de la Terre coûte, en gros, 25 à 30$. Ça va faire encore assez cher la bouteille de vin si vous voulez la boire dans le salon cossu d’une station spatiale, mais le rapport économique devient rentable, d’autant que l’envoi d’objets de l’espace à la surface terrestre est autrement moins coûteux.
Par contre, cela ne règle pas tout : piloter ces véhicules nécessite des compétences spécifiques et un entrainement rigoureux. Un pilote d’aviation professionnel ne pourrait pas s’en sortir sans avoir appris le pilotage transorbital. Et ces engins, en plus d’avoir un volume minimal conséquent, restent coûteux, aussi bien que leur usage. Seules les plus grandes fortunes peuvent se permettre de disposer de leur navette transorbitale à usage privé. Enfin, leur vol est très réglementé : la sortie atmosphérique pour passer en orbite et l’accélération nécessaire à y parvenir ne se font pas partout. C’est d’ailleurs la raison d’être principale des Vrilles (voir ci-dessous)
2- Se déplacer dans l’espace
Dans le vide de l’espace, il n’y a pas d’air, donc pas de frottement, donc rien qui vous ralentisse une fois que vous avez assuré votre poussée, bonne nouvelle. Mais pas de comburant pour brûler votre carburant et assurer la poussée dont vous avez besoin, mauvaise nouvelle.
Bon, le vide spatial a aussi plein d’autres mauvaises nouvelles qui tendent à le rendre franchement hostile à l’humain, même abrité dans un engin spatial. Mais c’est un sujet qui sera abordé plus tard. Ici, nous allons causer de la propulsion spatiale au 23ème siècle, et des engins conçus pour franchir des distances inter-planétaires.
2-1 Un peu d’histoire
Les programmes de conquête spatiale du 20ème siècle l’ont prouvé : le moteur-fusée reste la façon la plus simple de se propulser dans le vide de l’espace. Mais pour cela, il faut emporter non seulement son carburant, mais aussi son comburant afin de générer une poussée par effet de réaction, ce qui limite très vite la masse totale des véhicules voyageant dans l’espace : plus c’est lourd, plus il faut de carburant, donc plus cela devient lourd donc plus cela exige de carburant, etc…
Une première solution ne fut jamais exploitée : le moteur thermique nucléaire aurait assuré une bien meilleure poussée des gaz éjectés, mais, même problème que ce dont nous avons parlé précédemment : c’est très lourd et en cas d’avarie en atmosphère (et il faut bien l’envoyer dans l’espace, même en pièces détachées), il se passe des choses. On n’abordera pas plus le projet Orion de propulsion atomique pulsée par explosion de charges nucléaires, qui ne vit jamais le jour.
Mais un truc qui fonctionna dès la fin du 20ème siècle fut la propulsion par moteur ionique. En gros, ce sont des moteurs dont l’énergie est d’origine électrique et fournie par une source externe (panneaux solaires) par opposition aux moteurs-fusée classiques. Ce sont des propulseurs électromagnétiques : l’accélération des ions est obtenue à l’aide d’un champ électrique. Leur seul défaut, c’est leur poussée : elle est très faible. Mais comme la seule énergie nécessaire est l’électricité, en plus de réserves de gaz neutres comme le xénon, les moteurs ioniques peuvent accélérer longtemps. Et dans le vide de l’espace, toute accélération est constante. Donc, les moteurs ioniques pouvaient être la solution de déplacement à grande vitesse dans l’espace. Mais si des solutions existaient, le principal écueil restait toujours le même : l’énergie nécessaire.
2-2 La propulsion Em5
Ce moteur n’a presque rien à voir avec l’EmDrive, projet de propulsion du 21ème siècle, par effet Casimir, qui n’a jamais fonctionné. L’Em5 est le dernier développement de la propulsion magnéto-plasmique, qui peut se résumer, à l’origine, comme étant un super moteur ionique qui exploite des champs et des rayonnements électromagnétiques variables pour surchauffer, ioniser et accélérer un gaz.
Et ce qui diffère le moteur Em5 du moteur à propulsion magnéto-plasmique, c’est que le gaz éjecté est du plasma de fusion nucléaire, à la place de gaz embarqués. Tout vaisseau spatial disposant d’un Em5 embarque un réacteur à fusion et des piles Shipstone fournissant plusieurs centaines de mégawatt de puissance électrique et un système de propulsion avec des tuyères à géométrie magnétique variable.
La poussée finale de l’Em5 est particulièrement élevée, mais comparativement à celle fournie par un moteur-fusée pour décoller de la surface de la Terre, elle est très faible. Sauf que l’Em5, avec la même équivalence de masse et pour très peu de carburant (tritium et deutérium pour la fusion), pourrait accélérer des mois durant de manière constante et cela fait toute la différence. Avec un Em5, le carburant pour le réacteur à fusion et une alimentation de 200 Mw, un vaisseau de 50 tonnes fait la distance Terre-Mars en 35 jours, accélération et décélération comprises.
Le moteur à fusion pouvant recharger les piles Shipstone plus efficacement que des panneaux solaires, l’autonomie d’un vaisseau à moteur Em5 est très étendue : pour une masse totale de cent tonnes, un vaisseau automatisé ainsi équipé peut faire le tour des planètes du système solaire interne sans nécessité de se recharger en carburant et en un temps raisonnable de moins de deux années, en gros. La nécessité de se ravitailler régulièrement et fréquemment concerne surtout les vaisseaux habités.
2-3 Le voyage spatial
Tous les vaisseaux spatiaux sont construits avec à peu près la même architecture interne : un réacteur à fusion et des tuyères formant le moteur Em5, une réserve de tritium et de deutérium, une réserve de piles Shipstone, et, enfin, des générateurs de champ antimasse et, pour les engins militaires, des boucliers stat.
Le réacteur à fusion est de type piège magnétique, adapté spécifiquement à un usage comme source de plasma pour les tuyères à géométrie magnétique variable, couplées à des piles Shipstone pour plusieurs centaines de Mw. Le tout forme l’Em5. Le moteur à fusion peut, comme indiqué ci-dessus, être employé pour fournir de l’électricité permettant de recharger des piles Shipstone, mais le rendement n’est pas optimal ; ces réacteurs ne sont pas faits pour.
Les générateurs de champ antimasse ne sont pas fait, dans l’espace, pour alléger le poids total du vaisseau, mais pour compenser la gravité et l’absence de celle-ci. L’antimasse assure ainsi une gravité artificielle de 0,25 G constante, et ce jusqu’à une accélération de 5 G pour la moyenne des vaisseaux civils habités. Au-delà, les générateurs deviennent autrement plus volumineux et énergivores et ne se trouvent que dans les appareils conçus pour de très puissantes accélérations, en général du domaine militaire.
Les boucliers de champ statique créent une zone où toute force cinétique est réduite à la vitesse maximale de 3,25 m/s. L’énergie supplémentaire d’un objet en mouvement, particule comprise, est dissipée sous la forme de photons. Les boucliers stat demandent une infrastructure imposante et exigent une énergie énorme, qui les limite à l’usage militaire. Mais ils sont capables de résister à des impacts directs de la puissance d’une explosion nucléaire.
2-4 Les vaisseaux spatiaux
Et donc, cela donne quoi ? Eh bien, les véhicules spatiaux ont des dimensions très variables, du drone de 15 kg au croiseur Titanide de 450 mètres de long. Mais dès qu’on cause de vaisseaux interplanétaires, ceux-ci nécessitent pas mal de volume. Si la masse à minima peut être réduite en effet à 50 ou 100 tonnes, les transporteurs automatisés les plus petits font environ 500 à 1000 tonnes pour une capacité de fret de dix fois cette masse. Ils sont lents, se passent d’antimasse et de support vitaux et ne sont pas fait pour se presser.
Les vaisseaux pilotés les plus petits exigent, eux, l’équipement de support vital et un système antimasse. Moteurs Em5, générateurs antimasse, piles Shipstone et systèmes de survie occupent en moyenne 30 à 50% de la masse totale de ces engins.
Quant à leur vitesse, elle est de 25,1km/seconde en moyenne. Ce qui donne 90 467 km/hr ou encore 2,1 million de kilomètres par jour. Cela a l’air rapide. Après tout, cela mets Mars en moyenne à 35 jours de la Terre. Mais pour atteindre l’orbite de Jupiter à sa position la plus favorable, depuis la Terre, par un trajet direct, cela prend 297 jours à cette vitesse. Une durée qui est cependant peu souvent disponible : les orbites ne cessent jamais de modifier positions et distances et, dans l’espace, il faut suivre leurs courbes et les puits de gravités des corps célestes. Pour aller rejoindre le Seuil de Callisto, les vaisseaux de croisières mettent environ un an de voyage.
Les transports les plus rapides, en général militaires, peuvent réduire le trajet Terre/Seuil à moins de 200 jours. Il est même possible d’aller plus vite (jusqu’à plus de 50 km/seconde), ce qui exige des moteurs d’autant plus puissants et d’autant plus de carburant et de masse relative dédiée à la propulsion. Mais le principal souci est alors l’accélération. L’antimasse peut compenser 5 G aisément, voire arriver à compenser jusqu’à 9 ou 10 G, mais au-delà, c’est l’équipage qui sera en danger. On peut aller très vite avec des moteurs Em5… mais sur de très longues périodes de temps afin de compenser les G de l’accélération. Ou alors, avec un vaisseau automatisé, blindé et sans équipage.
Le tonnage des vaisseaux habités peut être réduit à 200 tonnes dans des conditions de confort quasi nul. Mais en général, ils commencent à 500 ou 1000 tonnes pour une longueur moyenne de 25 à 60 m. En règle général, ces véhicules exigent un minimum incompressible de personnel. Ce dernier peut être assisté efficacement d’IA et de systèmes robotisés, mais on ne peut réduire l’équipage efficace à moins d’une demi-douzaine de personnes dans le cas d’un vaisseau de transport d’environ 1500 tonnes. Les seuls appareils à nécessiter moins d’équipage sont des vaisseaux de plaisance privés très onéreux ou des appareils de course ou militaires de taille réduite.
Les plus gros vaisseaux interplanétaires sont, pour le domaine civil, quelques vaisseaux de croisière faisant la navette Terre-Mars-Callisto, alignant un tonnage de 120 000 tonnes pour 300 mètres de long et une capacité d’environ 100 membres d’équipages et 400 passagers tout confort (relatif) et une poignée de vaisseaux-usines de taille assez similaire, mais capables de déplacer 650 000 tonnes pour 250 membre d’équipage, personnel de bord et techniciens. Pour le domaine militaire, les plus gros sont les sept croiseurs porte-vaisseaux titanides de StarForce, longs de 450 mètres pour 350 000 tonnes à pleine charge, bardés de drones, de chasseurs spatiaux et d’armement, et embarquant 1500 militaires, personnel de bord et pilotes.
Pour ce qui est de la forme des vaisseaux spatiaux, elle n’a aucune incidence dans l’espace sur les performances de ces engins. Après tout, ils ne sont en aucun cas fait pour pénétrer dans l’atmosphère d’une planète, encore moins s’y poser. La forme tend donc à être celle du cigare ou du tube, voir du parallélépipède rectangle, avec des équipements dépassant en excroissances de tous les côtés selon les besoins. Il n’y a guère que des considérations esthétiques qui vont altérer l’aspect pratique et utilitaire de ces engins.
Rappel : dans l’espace, pas de frein à main.
Rien ne freine la course d’un objet propulsé dans le vide de l’espace. Toute vitesse acquise le reste ; on ne ralentit jamais. Ce qui veut dire que la moitié de tout déplacement d’un point A à un point B dans l’espace, si votre but est d’être à l’arrêt au point B, consiste à perdre la vitesse que vous avez acquise à la première moitié de votre voyage. L’avantage des Em5, c’est qu’il s’agit de propulseurs à puissance d’éjection variable. Ainsi donc, on peut au besoin réduire le temps de décélération en poussant les gaz. Mais la décélération a le même effet sur les G du véhicule et de ses passagers que l’accélération. Plus on décélère vite, plus on a de G, et plus on risque de finir en un truc plat et rouge. Sans des générateurs antimasse très costauds, c’est une manœuvre que personne n’a envie de tenter.
3- Rejoindre le sol
Parvenez à vous arracher à l’attraction terrestre, et vous avez fait la moitié du chemin pour n’importe où, citait Heinlein dans le roman Vendredi. Il a oublié de commenter que la seconde moitié du trajet consiste à parvenir à se poser quelque part sans que cette même gravitation mette brutalement fin à l’aventure.
Le problème de se poser sur un corps céleste massif, comme une planète, tient à deux choses : résister à la gravitation qui induit que tout y tombe vraiment très vite et, si ce corps a une atmosphère, éviter que son frottement vous transforme en chaleur et lumière. Selon la planète sur laquelle se poser, les conditions d’atterrissage changent, mais elles sont toujours complexes. Les angles de rentrée atmosphériques sont particulièrement importants. Si vous tomber droit, vous frappez littéralement l’atmosphère qui va se charger de vous désintégrer ou tout du moins de vous carboniser. Si vous rentrez avec un angle trop large, la même atmosphère se change en trampoline qui vous fera rebondir pour vous renvoyer vous balader dans l’espace.
Et bien sûr, il faut freiner sa chute. Plus le véhicule est gros, plus les moyens pour freiner la chute vont être conséquents. Au 20ème et 21ème siècle, la meilleure solution restait le freinage atmosphérique et les parachutes, éventuellement l’usage de fusées d’appoint, une technique envisagée et même employée sur Mars, mais autrement plus ardue sur la Terre et sa gravitation élevée.
Au 23ème siècle, la meilleure solution reste à employer la puissance de moteurs-fusée d’appoint combinée à l’antimasse pour freiner la chute et le bouclier MHD-Air pour échapper au frottement.
Décrit plus haut, le bouclier MHD-Air est un système combinant champ électrique et champ magnétique pour créer un écoulement de l’atmosphère autour du véhicule, sous forme de plasma. Les gaz atmosphériques ne viennent pas frotter contre la surface du véhicule mais s’écoulent librement autour, ce qui évite au véhicule de finir en torche ou de rebondir contre l’atmosphère, ce qui permets des descentes plus directes.
Quant à la chute, elle est freinée par des moteurs-fusée, le plus souvent des tuyères d’éjection orientables alimentées par les turboréacteurs des véhicules transorbitaux. L’antimasse a ici son importance, en réduisant le poids total du véhicule tout au long de sa descente. Les parachutes existent toujours ! Ils servent en cas d’urgence, mais sur des capsules de sauvetage de vols habités ou des véhicules de petite taille. Avec des transorbitaux de plusieurs milliers de tonnes, leur efficacité est simplement nulle.
La combinaison de ces procédés permet de faire se poser sur Terre des véhicules de 10 000 tonnes, y compris en trajet automatisé sans équipage humain. Ces derniers sont d’ailleurs privilégiés pour le fret, puisque sans humains, pas d’équipements de survie et moins de contraintes de manœuvre à la descente. Cela réduit le coût du transport à moins de 1$ le kilo, quand avec des passagers, ce coût s’élève encore à 20$ par kilo.
3-1 Les Vrilles
Toutes ces considérations tendent à conclure qu’il y a donc un gros trafic transorbital autour de la Terre, ce qui est exact. Et ce dernier est fortement réglementé et contrôlé, bien entendu. On ne se pose pas avec son transorbital personnel sur le toit d’un building ou une piste d’aéroport local. Même les services gouvernementaux et militaires sont soumis dans ce domaine à des contraintes qui ne souffrent que de peu d’exception. Et la raison est une évidence : quand un véhicule transorbital tombe en panne, il tombe fort et avec des dégâts.
Aussi les zones de transit entre la surface des planètes et l’orbite sont normées. On les surnomme les Vrilles : le mot vient de la comparaison de la manœuvre de transit en orbite et le conte de Jack et le Haricot Géant. Ce ne sont ni plus ni moins que des astroports : de très grandes surfaces avec des pistes d’atterrissage et des plateformes et pistes de décollage, des services de sécurité et de secours, des systèmes de contrôle de trafic aérien et de guidage au sol, avec les évidentes infrastructures d’entretien, de ravitaillement et de fret. Toutes les Vrilles ont leur miroir dans l’espace, c’est-à-dire une station spatiale en orbite géostationnaire.
Ces structures sont immenses et particulièrement coûteuses. La Terre n’en compte d’ailleurs que cinq, la plupart bâties plus ou moins proche de l’équateur, afin de profiter de la vitesse de rotation de la Terre. Il y a ailleurs des plateformes de lancement, de taille plus réduite ; fondamentalement, on peut en installer partout, tant qu’il s’agit d’une zone assez vaste pour éviter les risques d’accident. La plus grande Vrille de la Terre est le Spatiodrome Tsavo, nommée communément la Vrille de Nairobi, en Union Africaine. La seconde plus grande est la Vrille de Gateway, bâtie sur l’océan par la République de Californie et les UAO.