La Nouvelle Humanité, partie 3 : L’inclusion socioculturelle
On continue le tour d’horizon de la société du 23ème siècle et cette fois on cause diversité, inclusivité et autres sujets qui fâchent tellement notre société du 21ème siècle. Si vous n’aimez pas les concepts d’inclusivité, les théories du genre et les notions de révolution sociale moderne, on est désolés pour vous, vous n’allez pas aimer.
crédits photo : Yuyang Liang, concept art, China
Quand, dans les années 2050 il n’est plus resté que 900 millions d’humains sur Terre, ces derniers ont eu autre chose à faire que de s’intéresser à entretenir des idéologies sexistes et racistes, qui sont avant tout des théories fantaisistes basées sur de la pseudoscience et des rapports de pouvoir et de haine. Par exemple, ils avaient à s’occuper de collaborer pour survivre, sans se préoccuper du genre, de la sexualité et de l’ethnie de leur voisin et se métisser pour assurer la perpétuation d’une espèce humaine en danger d’extinction.
Pour tout dire, le brassage ethnique, qui a duré toute la seconde moitié du 21ème siècle et s’est poursuivi au 22ème siècle après les vagues d’émigrations climatiques, a forcé tout le monde à balancer le racisme à la poubelle, ce dernier perdant un de ses principes fondamentaux, un de ses plus gros non-sens aussi : la notion de race pure. Ceci dit, ce fut non sans mal. La xénophobie fait partie des instincts d’homo sapiens et le conflit est le meilleur outil qui l’alimente. C’est la quasi extermination de l’espèce humaine, suivie de la mise au ban des religions après la Seconde Guerre des Machines, qui ont fait basculer cette tendance. La nécessité d’entraide et de collaboration, la réinvention complète de sociétés devant se relever des ruines de leur civilisation, ont balayés les idées du racisme, en même temps que celles du sexisme systémique basé sur des modèles religieux et socioculturels patriarcaux.
La Nouvelle Humanité, qu’on considère souvent née au moment de la signature par les membres de l’UNE, en 2082, de la Charte des Droits de l’Humain, a ensuite défini une nouvelle norme qui modifia profondément les principes des relations de pouvoir et de genre et balaya les théories racistes. Il y eu bien quelques tentatives de retour en arrière mais, dans l’ensemble, il ne reste presque rien de ces principes et ces théories pseudo-scientifiques au 23ème siècle. Ceci dit, d’autres idées préconçues les ont remplacés. La xénophobie autant que les luttes de pouvoir, eux, ne sont pas encore prêts de disparaitre.
Un point sur la civilisation du 23ème siècle, c’est de se rappeler que l’une des nations les plus puissantes et sans doutes la plus importante, c’est l’Union Africaine, qui est à la pointe du progrès et des technologies depuis une centaine d’années, surtout du côté du Royaume-Uni du Kenya, même si elle est talonnée par la Fédération Nordique, suivie des Unions des Américains des Origines. Le tracé géopolitique du monde n’a plus rien à voir avec celui du 21ème siècle et, par voie de conséquence, les vieilles tensions raciales dramatiques de l’ancienne civilisation se sont effondrées et, à ce stade, plus personne ne leur donne la moindre importance que comme des chapitres désuets de l’Histoire.
L’égalité de genre & le féminisme
Le mot féminisme n’est pas mort au 23ème siècle et il est aussi bien porté en étendard que galvaudé. Tout le monde y met un peu le sens qu’il veut, que ce soit dans une acception revendicative que dans un type de comportement et, ce, aussi bien de manière positive que négative. Porter des talons hauts c’est aussi facilement targué de féminisme que de défoncer à main nue un grand gaillard macho et malpoli. Bref, le féminisme, c’est souvent, dans le langage commun, être femme, avec ses fiertés et ses faiblesses.
Féminisme et féminité ont fini par se confondre, tout simplement parce que le concept de la faible femme, aussi bien physiquement qu’intellectuellement, est mort au 21ème siècle. L’idée que la femme puisse être inférieur à l’homme au sein de l’espèce humaine prête même à rire ! Ho, dans l’esprit commun, mâles et femelles diffèrent toujours et on se refuse encore à leur attribuer les mêmes qualités. Mais l’idée que la femelle est plus douce et émotionnelle, le mâle plus agressif et intellectuel, que les femmes préfèrent les activités sans risques et les hommes la violence et les dangers, que les femmes sont littéraires et les hommes scientifiques, tout cela et bien d’autres choses encore, a été battu en brèche et enterré, en même temps que les carcans moraux et culturels qui avaient fait naitre ces schémas.
Ceci dit, même si des idées préconçues existent toujours dans les rapports entre hommes et femmes et que certains travers comme le machisme et la galanterie ont encore de beaux jours devant eux, le plus important des combats à mener est, à quelques détails près, une victoire définitive depuis plus d’un siècle, sans retour en arrière possible. Aussi simplement que cela, et ce dans la plupart des nations, de l’UNE ou non, l’égalité complète de traitement entre hommes et femmes est légalement appliquée et suivie à la lettre.
Fini les boulots genrés, les inégalités de salaire ou de traitement professionnel. Exit les règlements qui diffèrent entre hommes et femmes ou les échelons d’entreprise qui changent d’un genre à l’autre. Que ce soit dans le cadre scolaire, dans le monde du travail ou même aux toilettes, la civilisation du 23ème siècle a légiféré de manière simple : hommes et femmes, c’est pareil et basta. Si on autorise le torse nu et le port du short dans un espace public, cette autorisation s’applique à tous ; il n’y a plus ni règles ni discriminations imposées faisant une différence entre les genres, tout simplement. Et vous allez rire, mais les gens vivent très bien avec cela, en fin de compte. Toutes les professions sont ouvertes aux deux genres et plus personne n’est surpris de voir un colloque du Ten Stars majoritairement féminin ou une équipe de SWAT de l’UNADP totalement mixte et dirigé par un officier femme. Et, sauf règlement local spécifique et légal, ou quand il s’agit d’uniformes de travail et il faut alors justifier l’importance du dit-uniforme dans un cadre de travail et pas juste par choix moral ou esthétique, les femmes se vêtissent comme elle le souhaite, tout comme les hommes qui en profitent aussi.
La lutte féministe, en tant que mouvement politique et socioculturel, se porte toujours très bien et est d’ailleurs un sujet que l’on retrouve dans tous les grands partis politiques de l’UNE ; la plupart du temps pour le promouvoir mais, aussi, sans surprise, pour l’endiguer ou tout du moins, le réfréner un peu. Ceci dit, si cette lutte est une sorte de précaution idéologique pour éviter un jour un retour en arrière des droits des femmes, elle reste pour une partie de l’opinion publique une sorte d’idée militante un peu farfelue dans un monde ou l’égalité de genre est acquise.
Est-ce que c’est cependant Byzance ? Non, malheureusement. Disons que c’est juste bien mieux ; au sein des nations de l’UNE, on ne compte qu’un peu plus d’un pour cent des femmes à être victimes de viol contre pas loin de dix pour cent dans les sociétés occidentales du 21ème siècle. Le féminicide et le meurtre conjugal sont des faits exceptionnels plutôt que des faits divers et, avec les règlementations sur la prostitution légalisée et les effets sociaux-économiques du Dividende Universel, le taux de violence fait aux femmes a remarquablement chuté. Ceci dit, ces bonnes nouvelles sont moins roses, même si toutes proportions gardées elles restent tout de même relatives, dès qu’on quitte les nations de l’UNE. Bien sûr, elles sont balayées dès qu’on va voir du côté des Zones d’Exclusion, mais dans ces régions dévastées, la violence est simplement endémique ; et tout le monde sait que dans une région violente ou en situation de guerre, ce sont les femmes qui sont les premières victimes.
Le racisme au 23ème siècle
Si la notion de racisme n’a plus de sens en soit pour l’humain du 23ème siècle, le brassage ethnique massif de la seconde moitié du 21ème siècle n’a pas totalement fait disparaitre la xénophobie et le délit de faciès. En ce qui concerne les relations entre les différentes ethnies humaines, il s’agit le plus souvent de discrimination passive ; c’est plutôt rare mais ça reste désagréable et un type loin de sa culture d’origine ou dans un coin pas très multiculturel peut le ressentir.
La discrimination à l’embauche, dans les services privés ou publics n’a donc pas totalement disparue ; elle a seulement changé de modèle. Ce n’est plus véritablement sur la couleur de peau qu’un quidam se sent jugé, mais plutôt pas son nom ou ses origines apparentes. Bref, moins il a l’air « de chez nous », plus son look général est peu commun dans la région où il se trouve, plus il ressentira une xénophobie qui n’a jamais totalement disparue. Après, il faut nuancer un peu : c’est, par exemple, quasi inexistant dans les centres-villes des grandes capitales de l’UNE ou sur les stations des Vrilles. Cela reste rare dans la plupart des régions péri-urbaines ; par contre, c’est plus marqué dans les régions rurales et les petites agglomérations. Et bien sûr, dans les zones avec un niveau de sécurité faible, où les gens s’attendent souvent au pire, alors là, c’est presque systématique.
Mais donc, et le racisme dans tout cela ? Comme on l’a mentionné plusieurs fois, il a disparu en tant qu’idéologie et institution et ne survit que sous des formes plus comportementales. Dans l’ensemble de tous les organismes d’état, l’agression verbale ou physique pour des bases discriminatoires ne sont plus de mise et les cas anecdotiques sont rapidement dénoncés et sévèrement châtiés. Ainsi, être un blanc ou un asiatique en Union Africaine, un maghrébin en UAO ou encore un scandinave dans l’empire de Chine peuvent prêter à désagréments, selon sur qui on tombe, et où. Mais les discrimination et agressions pour réaction xénophobes sont juridiquement condamné, avec sérieux, dans toutes les nations de l’UNE et la situation est pratiquement identique hors de l’UNE. Pour faire simple, le racisme est pratiquement absent du domaine public et dans les institutions, et pas loin de devenir un souvenir dans le domaine privé.
Sauf que… Oui, c’est trop beau pour être vrai et si l’humain a renoncé à ses vieilles haines, il s’en est trouvé de nouvelles. La cible principale, ce sont d’abord les bioïdes, puis les hexens. On parle de ce sujet quand on aborde ces deux origines en détail.
Pour faire simple, les bioïdes, vu leur côté machines vivantes et esclaves modernes, mais aussi pour leur rôle prétendu (et largement erroné) de « voleurs de travail », sont perçus par beaucoup comme des sous-humains de moindre valeur indignes de confiance, en oubliant que les bioïdes sont bien plus efficaces et plus honnêtes que la moyenne des homo sapiens ; après tout, ils ont été créés pour cela. Une idée reçue très répandue et pourtant totalement fausse, est qu’on peut reconnaitre un bioïde au premier coup d’œil ; le fait est que c’est impossible et que la seule manière de reconnaitre un bioïde sans passer par un examen microscopique, c’est soit qu’il est vêtu de manière indentifiable, soit qu’il vous dit en être un. Comme le fait remarquer Eden Estario, une bioïde co-secrétaire de la délégation UAO de l’UNE : « les humains nous aiment, tant qu’ils ne réalisent pas que nous savons tout faire mieux qu’eux ; et quand vient le jour où ils sont forcés de nous respecter car nous sommes libres, alors ils nous haïssent pour ce que nous sommes. »
Pour les hexens, le rejet est plus sensible encore, plus violent, viscéral et entièrement basé sur la peur de la différence ainsi qu’une crainte, bien fondée celle-là, des capacités imprévisibles et hors-normes de ces individus. Leur surnom veut d’ailleurs tout dire de comment on les perçoit en général : hexen, en allemand, cela veut dire sorcier. Et c’est bien la cause de leur rejet ; les hexens souffrent de discriminations très fortes, même dans les centres urbains les plus multiculturels. Personne n’en veut comme voisin, on a peur pour ses enfants à l’école, les gens ne voudront pas aller faire des courses dans une boutique où travaille un hexen, etc. Bien entendu, sauf pour de rares cas de mutations handicapantes et ces derniers sont vraiment malchanceux, rien n’indique extérieurement qu’un individu est hexen et les moyens de détection de leur champ magnétique particulier sont réservés aux forces de police et seulement dans le cadre de leur mission. Mais vu le danger potentiel des hexens, la plupart doivent être enregistrés administrativement par sécurité. Et toutes les précautions légales pourront être prises, l’information finit toujours par fuiter, avec les réactions de rejet qu’on imagine. C’est pourquoi les hexens tendent à se rassembler dans des ghettos urbains, recréant un microcosme avec ses propres règles et sa propre criminalité, ce qui, bien entendu, amplifie encore le problème de leur image auprès de l’opinion !
Les principes du genre
La théorie du genre et son application dans le monde socioculturel du 21ème siècle était déjà bien parti même si cela restait un combat par moment incertain ; après la Fin des Temps, le sujet revint sur la table, comme toujours houleux, principalement idéologique et basé sur les mêmes errances pseudo-scientifiques et les haines que le racisme. L’homophobie et la transphobie connurent le même sort que le sexisme et le racisme : ils ne survécurent pas au 22ème siècle.
Donc, pour faire simple, les théories et croyances diabolisant l’homosexualité ont pratiquement disparus au 23ème siècle hors de quelques coins des Zones d’Exclusion et les nations les plus réactionnaires ; et encore, pour ces derniers, tout le monde a dû mettre de l’eau dans son vin. Ainsi, même si un peut encore croiser ici et là quelques homophobes, y compris en bande, l’homosexualité n’est plus ni un crime, ni une tare, mais un fait biologique établi, une constituante naturelle de l’espèce humaine et nécessaire de la société. L’UNE est particulièrement vigilante sur ce sujet ; la discrimination est prohibée par la Charte des Droits de l’Humain, y compris toutes les discriminations de genre et d’orientation sexuelle.
Ce changement sociétal profond, qui ne s’est pas fait du jour au lendemain, a levé nombre d’autres tabous sur la sexualité. Causer de sexe à table entre amis est commun et l’éducation sexuelle fait partie intégrante du cursus scolaire des enfants. Parmi ce qui ne choque plus guère, on peut compter les relations multiples, les jeux sexuels variés, et aussi et surtout la bisexualité. Cette dernière est devenue une sorte de norme : elle concerne un peu plus 30% des humains qui avouent plus d’une expérience homosexuelle dans leur vie, souvent pour une relation plus ou moins durable. Quant aux homosexuels, ils représentent un peu plus de 10% de la population mondiale et affichent leur amour sans désormais craindre harcèlement et agressions.
Pour ce qui concerne les problèmes de genre, et on parle donc des transgenres en général, eux aussi bénéficient de cette évolution. La plupart des systèmes de protection de santé des nations de l’UNE incluent une réassignation de genre couverte par la sécurité sociale, avec un minimum de suivi médical complet, histoire d’éviter les erreurs de diagnostic, toujours compliqués dans ce domaine. Ca ne veut pas dire qu’il n’y en a pas, mais elles restent assez rares.
Et que dit la science du 23ème siècle de tout ça ? Elle a pu trouver les bases épigénétiques de tous ces sujets, mais a aussi fait la démonstration finale, qui n’est plus discutée, qu’il s’agit d’un élément constitutif de toutes les espèces évoluées et non un défaut qui devrait être corrigé, bien au contraire. L’existence des sexualités et des genres dans toute leur variété est constitutive d’une société inclusive et évoluée, qui profite de cette diversité presque à égal partie avec le métissage et la diversité culturelle.
Alors il n’y a plus d’homophobes ? Si, et à peu près au même pourcentage que les homosexuels ; environ dix pour cent des humains ont une réelle réaction de peur incontrôlable, qui se change en dégout et en haine et est difficile à traiter psychologiquement. Il n’y a plus de théorie homophobe justifiant la discrimination de genre et de sexualité et plus personne pour les promouvoir à part dans quelques sectes paumées ; mais l’instinct d’homophobie, lui, reste ancrée à la nature d’homo sapiens, autant que l’homosexualité et les problèmes de genre en font partie, à jamais.
Encart : et le « mariage » dans tout ça ?
On peut s’unir civilement avec n’importe quel être humain adulte et consentant et, même si c’est pas si courant, il n’y a pas de limite au nombre dans une union. Les groupes maritaux peuvent constituer jusqu’à une douzaine de personnes. Non, on ne peut épouser son chien légalement : l’UNE définit l’union civile comme l’union éclairée, libre et formelle entre deux êtres humains adultes et pleinement consentants. Cela interdit encore les unions avec les bioïdes et encore aujourd’hui, avec les Avatars. L’adoption est répandue, ainsi que les familles recomposées, le divorce étant relativement facile à gérer. À noter que la natalité est fortement encouragée par voie d’allocations familiales et d’avantages sociaux ; on retrouve cette politique partout, qui vise à endiguer la forte infertilité de l’espèce humaine. Et pour les plus riches ou les plus chanceux, la procréation par matrice extracorporelle est accessible ; les shangtis étaient, quant à eux, des humains génétiquement améliorés le plus souvent conçus par cette voie.