Les bioïdes
Un chapitre sera consacré à chacun des types d’origine des personnages de Futur immédiat : shangtis, cyborgs, bioïdes, avatars et hexens. Par exemple, nous referons une rédaction des cyborgs, pour y inclure l’histoire de leur existence et aborder les aspects sociaux et légaux qui les concerne.
Donc, on va commencer ici par les bioïdes, un sujet compliqué et polémique ; si vous avez lu la chronologie de Futur Immédiat et sa présentation, vous avez une bonne idée de pourquoi.
1- Présentation
Bioïde : abréviation d’androïde biologique, humain de synthèse crée par matrice extracorporelle. Le terme remplace leur nom d’origine « être artificiel » ou EA.
Un bioïde, c’est bel et bien un humain artificiel, conçu grâce à la plus avancée des technologies de conception artificielle, comme la matrice extracorporelle et l’autoclonage et par les plus pointues recherches en sélection et modification de l’ADN. Son génome a été modelé et contrôlé avec grand soin pour, entre autres, lui attribuer des qualités de résistance et d’endurance supérieures à la norme humaine, ainsi que des facultés cognitives et proprioceptives remarquables. Un bioïde est, bien entendu, dépourvu de toute anomalie génétique qui pourrait être handicapante ; il a en théorie une santé parfaite, ne souffre à priori d’aucunes allergies, etc.
Un bioïde a plusieurs caractéristiques notoires ; il connait un développement rapide et atteint l’âge adulte vers 12 à 14 ans pour une espérance de vie d’environ 70 ans. Il est techniquement stérile. Cette stérilité peut cependant être traitée chirurgicalement et donc soignée. Il est enfin capable de très brefs et spectaculaires « flashs », des accélérations métaboliques qui affectent la locomotion, les réflexes et la force physique. Vu de l’extérieur, cela fait croire qu’il se déplace à la vitesse du son.
Tous les bioïdes résistent remarquablement aux conditions climatiques extrêmes, ainsi qu’aux privations et ils ont tous un besoin de sommeil réduit. Ils sont insensibles à la plupart des maladies et leur tolérance aux toxines, aux polluants et aux radiations est hors-norme comparés aux humains. Et ils sont tous, sauf exception, agiles, athlétiques, très intelligents, mesurés, stables et équilibrés. Sans oublier qu’un bioïde peut être crée « à la carte », pour accentuer ses capacités de résistance et d’adaptation aux milieux et aux tâches auxquels on les destine. Contrairement à la crainte que les bioïdes exercent sur la moyenne des gens influencés par les médias, les bioïdes sont particulièrement loyaux envers leur entreprise, leur employeur et leurs collègues. Il faut vraiment beaucoup de pression pour qu’un bioïde craque et remette en cause sa fidélité ; la raison en est simple : ils sont littéralement programmés pour cela.
Enfin, et contrairement à une idée reçue et très largement répandue, rien ne distingue un bioïde d’un homo sapiens ; que ce soit dans le comportement, le regard, les attitudes ou par quelque trace physiologique, rien ne permet de les différencier. Et, oui, les bioïde ont un nombril. Il n’y a, en l’absence des documents d’identité du bioïde, qu’une analyse génétique pour déceler la nature artificielle du personnage.
Mais cela n’en reste pas moins, et même si cette définition est elle-même sujette à nombre de controverses, un individu qui a été créé pour servir d’esclave moderne dans la Nouvelle-Humanité.
2- Un peu d’histoire
La technique de création des bioïdes date de 2133, quand les États du Pôle légalisent la reproduction extra-utérine et le développement accéléré d’êtres humains artificiels génétiquement modifiés. Ils vont rester un moment les seuls à exploiter cette technologie, après que l’UNE ait banni cette technique de tous ses états membres et voté des sanctions économiques lourdes contre les États du Pôle, suivi par la plupart des nations de l’époque.
Encart : pourquoi les avoir créés ?
Au-delà du bon vieux « parce qu’on le pouvait », les bioïdes sont de formidables intervenants efficaces sur tous les milieux dangereux, hostiles, toxiques, que ce soit dans le domaine civil, policier ou militaire. Ce sont même les seuls à pouvoir porter efficacement les armures alimentées des forces d’intervention des unités d’élites, ces dernières exigeant une condition physique très difficile à atteindre pour un être humain, même avec des modifications biotechnologiques. C’est dans cette idée qu’ils furent conçus au départ ; les bioïdes sont plus efficaces, plus autonomes et plus adaptables que les meilleurs robots.
Et c’est leur invention, à un moment de profonde instabilité avec la première rencontre calamiteuse avec les Hengeyokaï et en pleine seconde pandémie de l’Hexenkunst, qui va provoquer la Première Guerre des Consortiums. Shipstone et Biological entrent en guerre, entre autres sur le sujet de la technologie des êtres artificiels, en entrainant derrière eux les Etats du Pôle, l’Empire de Chine, l’Union Africaine, l’UAO et la Fédération Nordique, avec la majorité des grands Consortiums qu’on appelle pas encore les Ten Stars. Finalement, en 2140, à la fin de la guerre, l’UNE doit plier devant les exigences des Ten Stars nouvellement « crées » et de ses propres états-membres : pour contrôler et gérer les consortiums sous son égide, le Conseil Intérieur doit lever son veto sur la technologie de création des Bioïdes, pour la plus grande joie de Biological qui, aux États du Pôle, peut se lancer dans ses recherches et perfectionne rapidement le processus.
C’est en 2151 que sont officiellement commercialisés les premiers bioïdes. Leur statut juridique est un flou complet, même s’ils sont toujours interdits à la vente et l’usage dans les nations de l’UNE. Autant dire que les abus sont immédiatement nombreux pendant plusieurs années. Il n’y aura un premier statut juridique pour les bioïdes qu’à partir de 2160 ; ce dernier sera révisé de nombreuses fois. La question primordiale, qui se base sur des intérêts divergents et des pressions très puissantes des lobbies, c’est de définir si un bioïde est un être humain ou une machine biotechnologique. Et le problème, c’est que les arguments légaux des deux parties sont tous aussi recevables les uns que les autres, malgré l’évidence, d’un point de vue scientifique, que les bioïdes, aussi sélectionnés, conditionnés et nés artificiellement soient-ils, sont fondamentalement des êtres humains.
Face à une campagne d’influence politique, législative et publique d’une envergure et d’une durée jamais vue, menée par Biological et ses alliés, pour imposer le bioïde en tant que nouveau produit à la mode et, surtout, en tant que machine, ce sont les IA qui vont régler la question : à partir de 2169, les débats sur la Conscience Artificielle, très houleux eux aussi, au regard des intérêts en jeu, aussi bien économiques que fondamentaux, commencent. Dans cet enjeu, les IA elle-même sont partie prenante à commencer par les Moires du Conseil Intérieur de l’UNE mais, surtout, ce sont elles qui démontrent à la même période l’étendue de la conscience élevée de certaines espèces, qui doivent être considérés comme « humaines ».
Et, en effet, si on admet les grands singes, les orques ou encore les corbeaux comme « humains », et que tout le monde sait que les IA vont l’être aussi, comment considérer les bioïdes ? Le truc est que tout un marché, très étendu et très rentable, s’est créé autour de la création et l’exploitation des bioïdes, dans le domaine des professions à haut risque, des service domestique et d’office, dans le domaine du luxe, aussi. Il y a assez peu de bioïdes, mais dans les milieux où on les exploite, personne ne veut s’en passer.
Les débats de l’UNE reprennent de plus belle en 2172 quand un premier événement dramatique mets en cause un bioïde, pilote de transorbital d’une compagnie des États du Pôle, qui se suicide avec ses 387 passagers. Il faut statuer et donner des droits aux bioïdes, tout en considérant qu’il est impossible d’avoir assez de voix pour obtenir une émancipation. C’est dans ce climat de discussions animés et de pressions politiques intenses que plusieurs autres incidents meurtriers pendant les 3 années qui suivent vont mener au vote de leur statut actuel, en 2175, dont nous reparlerons plus bas.
Le statut juridique, qui admets que les bioïdes sont humains mais sans en avoir tous les droits, ne satisfait pas forcément tout le monde ; mais surtout, les incidents provoqués par des révoltes de bioïdes, se finissant souvent de manière sanglante ou dramatique, suscitent une paranoïa et un profond rejet dans l’opinion publique. Les ventes et locations de bioïdes chutent pendant des années ; l’UNE, de son coté, a bien du mal à savoir quelle posture prendre quant aux réfugiés bioïdes avant de voter une résolution imposée par le Conseil Intérieur offrant l’émancipation complète de tout être artificiel qui parvient à rejoindre Olympus.
Finalement, c’est la Guerre Éternelle qui relance le marché des bioïdes. StarForce intègre les premiers d’entre eux dans ses troupes en 2191 et les contrats de location dans tous les domaines, y compris militaires reprennent sur Terre, après une campagne les présentant comme une solution efficace et « humaine » à la lutte contre la chute de natalité mondiale et, donc, de main d’œuvre. Le fait que les bioïdes soient traités comme des esclaves, pour la plupart d’entre eux, pendant 20 ans de leur vie ne va guère émouvoir l’opinion publique, partagée entre une vision faussée du bioïde comme machine biologique et d’un autre côté, comme des êtres pseudo-humains dangereux et retors.
Seule une minorité considère les bioïdes comme une erreur politique et philosophique fondamentale, la répétition d’un crime humain par leur asservissement. C’est, par exemple, le cas des Luniens des CSS, chez qui tout bioïde posant un pied sur leur sol est automatiquement libre de tout contrat. Encore faut-il, pour un bioïde, parvenir à voyager jusqu’aux territoires lunaires des CSS.
3- Le législation des bioïdes
Disons-le de suite, le statut des bioïdes en fait des esclaves sous contrat, pratiquement de leur naissance à leur trente-cinquième année environ. Cependant, l’exploitation des bioïdes obéit à des lois précises et ils disposent d’un statut qui en fait définitivement des êtres humains. Certes, les plus malchanceux des humains, mais ils sont légalement considérés comme tels et ne peuvent être traités en produits et marchandises, ni ne peuvent être exploités sans respecter des règles strictes.
Premier point, un bioïde doit recevoir un salaire minimum correspondant aux deux tiers due la base salariale correspondant à sa fonction professionnelle et ce, même dans un état pratiquant le revenu universel, auquel les bioïdes ont droit. Il doit aussi être assuré socialement, comme tout le monde, même à minima. Il dispose aussi des mêmes lois et sécurités que tout le monde sur la protection juridique des personnes du point de vu judiciaire et peut disposer de comptes en banque et de moyens de paiement ; mais il ne peut, en théorie, contracter d’emprunts ni investir dans des parts de marché d’entreprises. C’est du point de vue des libertés que cela se gâte. Tant qu’un bioïde est sous contrat, il ne peut ni voter ni participer à tout activité politique ; il est contraint à la confidentialité professionnelle la plus totale vis-à-vis du détenteur de son contrat et n’est ni libre de ses mouvements, ni de ses choix professionnels et il n’est pas concerné par les droits de l’enfant, comme on va le voir.
Un bioïde est lié à un contrat détenu par un propriétaire. Ce contrat est contracté et acheté ou loué par le propriétaire, soit directement auprès d’une entreprise qui crée des êtres artificiels, soit auprès d’un autre propriétaire de contrat. Oui, jamais on ne parle du propriétaire d’un bioïde, mais de « son contrat » ce qui évite d’avoir à regarder en face qu’il s’agit bien d’esclavage. Tant que l’être artificiel est sous contrat, c’est le détenteur du contrat qui décide aussi bien de l’emploi que du domicile du bioïde. Ce dernier est soumis à des restrictions de déplacement aussi bien que de certains achats et possessions, comme indiqué plus haut ; ces derniers points sont fonction du contrat et ne peut ni quitter son emploi, ni faire grève, ni adhérer à un syndicat ou émettre ou participer à la moindre revendication.
On rappelle encore une fois que ce contrat n’est jamais négocié par le bioïde ; alors ce n’est pas tout à fait exact : il y a des cas où avec, pendant un rachat de contrat, on propose au bioïde, qui aurait une expérience professionnelle élevée, de discuter et négocier avec le vendeur et l’acheteur. Mais légalement, rien ne l’y oblige. Dans les faits, le premier contrat est souvent signé avant la naissance du bioïde ou pendant son enfance ; et on en vient à ce dernier sujet : les bioïdes sont élevés dans des instituts dépendant des entreprises de création d’êtres artificiels. S’il existe des contrôles sérieux sur les conditions d’élevage, ce sont avant tout des lieux de formation accélérée et de conditionnement où seuls les besoins essentiels de l’enfance sont pris en compte. Comme les bioïdes grandissent très vite – et apprennent très vite – l’aspect affectif et familial de cette partie de leur vie est, au mieux, sommaire.
Un bioïde peut racheter son contrat quand il le souhaite, bien que la somme que représente ce rachat, entre un quart et un demi-million de C est le plus souvent hors de sa portée. Au bout de vingt ans, le contrat est révoqué, quelque que soit qui le possède et le nombre de fois où il aura été racheté ; le bioïde est alors émancipé et libre. Légalement, il est soumis aux mêmes droits et devoir que tout homo sapiens et citoyen de la nation où il réside alors. Dans les faits, il aura toujours des problèmes de discrimination, qui affecteront sa recherche d’emploi, d’immobilier, de démarches bancaires, etc., même si ces discriminations sont illégales et qu’il lui est alors possible de faire jouer la loi en sa faveur.
4- La société des bioïdes
On va faire simple : on ne peut pas vraiment dire qu’il existe une société des bioïdes, exception faite de celle qu’ont créés les réfugiés bioïdes d’Olympus et ceux des CSS. Dans leur immense majorité, les bioïdes sont isolés et ont beaucoup de mal à former des groupes culturels ayant leur identité propre.
Pour la plupart des bioïdes qui parviennent vivants au bout de leur contrat ou qui ont pu racheter leur liberté prématurément, leur objectif est de disparaitre au sein de la société et qu’on leur fiche la paix. Pour les bioïdes, créer des associations militantes est relativement ardu puisque, dans la plupart des cas, tant qu’ils ne sont pas libres, il leur est interdit d’avoir la moindre activité militante. Il y a des groupes de défense des bioïdes, cependant, dont un organisme international au sein de l’UNE, crée par les réfugiés d’Olympus : l’IADB (International Association for the Defense of Bioids). Et il existe plusieurs groupes plus ou moins légaux, dont la branche officielle du mouvement Ébène, considéré à juste titre comme organisation terroriste, mais qui à sa vitrine officielle sous forme d’un réseau officiel d’activistes et avocats dans le monde, dont la majorité des membres n’est d’ailleurs pas Bioïde.
Bref, les bioïdes ne sont guère enclins à vouloir former une société organisée et les premiers ilots organisés émergent à peine, ici sous forme d’une coopérative agricole, là autour d’un supermarché solidaire, ou encore d’un réseau de contact et de discussion d’un petit SIRM dans la Trame. Leur statut, tant qu’ils ne sont pas libres, rend difficile toute organisation et ils sont fortement incités à ne pas la rechercher. Il est donc pour eux très compliquer de former une union, des groupes, une famille et ils préfèrent de toute manière se faire oublier au mieux. Ceci dit, nombre de bioïdes émancipés, surtout chez les vétérans de StarForce, travaillent dans l’ombre pour améliorer le statut de leurs semblables et créer des contacts, des liens, une identité forte, à travers des activités artistiques, militantes et culturelles. Bref, un mouvement d’appropriation culturelle est bel et bien en train de naitre, principalement depuis Olympus et les CSS.
Cette identité peut donc de temps en temps s’apercevoir, au-delà d’œuvres culturelles diverses : il existe un langage propre aux bioïdes, né à partir de quelques restes du Malgache, disparu au cours du 21ème siècle ; le Malageri est parlé par quelques milliers de personnes, mais circule beaucoup sur la Trame et se répand comme langue d’identité culturelle. Les tatouages sont aussi devenus une autre marque d’appartenance sociale et ethnique propre aux bioïdes. Ces tatouages, très géométriques, sont le plus souvent faciaux et commencent à disposer de leur propre code de référence culturelle ; mais ils sont souvent copiés par des petits groupes homo-sapiens ici et là, simplement parce qu’ils sont jolis, considérés comme transgressifs et qu’ils font « mode ».
5- Jouer un bioïde
L’humanité a désespérément besoin d’espoir et vous, bioïdes, êtes cet espoir. Un espoir adapté aux contraintes d’une époque de défis. Nous avons projeté en vous ce qu’il y a de meilleur, de plus résistant, de plus fiable, de plus rapide et de plus dévoué.
Vous avez été créé, façonné à la demande d’entreprises en manque de main d’œuvre efficace pouvant travailler dans des conditions risquées et sur des longues durées, bien plus longues qu’un humain biologique pourrait le faire. Ceux qui vous ont achetés attendent que vous accomplissiez vos tâches pour toute la durée de votre contrat.
Vous n’avez pas de parent, à moins de considérer, qu’un scalpel, un tube à essai et une matrice de gestation extracorporelle répondent à cette définition. Vous êtes un produit entièrement artificiel, savamment conçu en laboratoire, puis élevé et formé en crèche industrielle.
Vous êtes biologiquement humain. Certes avec quelques avantages génétiques : une résistance élevée aux maladies (la grippe, le rhume et même le cancer et autres joyeusetés des biologiques vous sont inconnues !), un métabolisme parfaitement équilibré qui vous offre une forme physique digne d’un athlète amateur (mais ne vous laissez pas aller, vous n’êtes pas à l’abri de la prise de poids, même s’il est rare, pour vous bioïdes, d’être obèse. Sauf si votre propriétaire en a fait la demande.), une résistance naturelle aux environnements toxiques (y compris les zones irradiées). Il a même été pensé par les généticiens de vous ajouter un petit pouvoir hors norme : agir à la vitesse du son. Le pouvoir de flasher comme les gens le nomment. Vous vieillissez normalement comme un biologique et finirez par mourir à un âge avancé (si vous avez de la chance, vous pourrez rencontrer un jour un bioïde d’un grand âge).
La majorité des biologiques prétend savoir différencier un bioïde d’un homo sapiens. Un talent revendiqué pour, les rassurer sur leur nature unique et prioritaire sur le reste du règne animal. C’est, heureusement pour vous, une idée totalement fantasque : rien ne vous différencie d’un biologique, sauf à analyser votre code génétique en détail. Les seuls moyens de savoir que vous êtes un bioïde sont les suivantes :
- Vous le dites clairement à qui veut l’entendre.
- Les services gouvernementaux et publiques (police, assurance, vos créateurs, votre propriétaire, etc.) connaissent votre nature, celle-ci est explicitement indiquée sur vos documents d’identité.
- Dès le moment que vous devez vous identifier à des services qui vous demandent patte blanche.
Oh, ce n’est pas parce que vous êtes un bioïde que vous pouvez reconnaître sans peine l’un de vos pairs. Reconnaitre un bioïde du premier coup d’œil est impossible. Vous êtes à la même enseigne que tout le monde : supposer, imaginer ou fantasmer qu’untel est un bioïde.
Une autre chose, vous êtes stérile de naissance, alors, sauf si vous parvenez à être opéré pour régler ce handicap, ne pensez même pas à l’espoir d’avoir des enfants. Bien entendu, l’adoption vous est interdite.
Votre vie ressemble de manière générale à celle de votre voisin boulanger, l’épicier du coin, l’hôtesse d’accueil d’un restaurant, l’agent de la poste qui vous livre le courrier tous les jours, le sdf à qui vous donnez la monnaie de votre café du matin ou encore cet homme en costume que vous croisez chaque jour dans le métro. Vous avez un travail, des factures, des contraintes comme tout le monde en 2202, et il y en a beaucoup. Une vie normale finalement à quelques détails près :
- Votre employeur sait ce que vous êtes et sans doute vos collègues de travail.
- Votre logeur le sait sans doute également le jour où vous avez demandé à louer cet appartement bien situé.
- Vous êtes enregistré dans la base de données des services d’ordres.
- L’assurance qui prend en charge votre santé, votre véhicule (si vous avez la chance d’en avoir un), votre appartement, etc.
Bref, un certain nombre de personnes et d’organismes savent que vous est un bioïde. Comment vous perçoivent-t-ils ? ¨De diverses manières : l’indifférence, rare ; la curiosité, plus fréquente ; la méfiance, qui est assez courante ; le mépris, lui aussi plutôt commun ; enfin, la haine, heureusement et finalement fort rare. Imaginez, on vous a créé physiquement identique à des biologiques, rien ne vous différencie d’eux sauf votre statut indiqué sur votre support d’identité : EA / Bioïde.
Les biologiques réagissent souvent à ce qui n’est pas comme eux selon leurs critères de croyance, d’éducation, de principes. Et tout ce qu’ils ne comprennent pas totalement se voit collé l’étiquette d’étrange, de différent, d’inconnu. Et à ces étiquettes sont ajoutés tous les préjugés possibles nés des critères cités plus haut et surtout, ce qu’en disent les médias, ce qu’ils véhiculent sur votre nature. Attendez-vous à vivre les conséquences du regard de ceux et celles qui croient savoir et qui vont agrémenter votre vie, l’épicer chaque jour de commentaires désagréables, de regards pesants, d’avis péremptoires et d’une discrimination institutionnalisée à laquelle vous n’échapperez pas.
De plus, au vu de votre nature génétique, votre employeur vous considérera au mieux comme un employé corvéable, au pire comme un esclave, voire un objet jetable. Vous lui appartenez, ou appartenez à l’entreprise à qui votre patron loue vos services par contrat. Et ce contrat, sauf si vous avez la chance de pouvoir le racheter et ainsi gagner votre liberté, durera 20 ans, pas moins, sans aucun moyen direct de votre part de pouvoir rien y changer.
Vous avez des droits comme tout le monde, l’UNE y a pourvu ; mais vous constaterez que vos droits ne sont pas égaux aux biologiques. Vous serez payé le minimum possible pour un travail plus risqué et des journées plus longues. Vous aurez plus de difficulté à obtenir la location de cet appartement bien situé. Et si vous n’avez pas la chance de vivre dans un pays sous législation de l’UNE, votre vie sera encore pire, réduit à l’état de simple esclave sans droits.